Par le sergent-détective Chris Plante, Police régionale de York (Ontario), Enquêtes sur les collisions majeures

Dans le domaine de la sécurité routière, il est facile de se laisser entraîner dans des discussions sur les équipements de sécurité des véhicules et les améliorations de la conception des routes. Bien que ces aspects soient importants et constituent des éléments clés de toute stratégie de sécurité routière, il existe un élément souvent négligé qui joue un rôle essentiel dans notre conception de la sécurité routière : l’application des règles de circulation.  

Personne n’aime recevoir des contraventions pour ce que de nombreux conducteurs considèrent comme des infractions mineures, telles que le non respect d’un panneau ARRET ou d’un feu rouge, un excès de vitesse ou un changement de voie dangereux. Mais dans le contexte plus large de la sécurité routière, le contrôle n’est qu’un élément d’un ensemble plus vaste : L’approche des systèmes sûrs. 

L’approche des systèmes sûrs s’articule autour de quatre piliers : Des usagers de la route sûrs, des véhicules sûrs, des vitesses sûres et des routes sûres. La police régionale de York utilise cette philosophie pour élaborer sa stratégie de sécurité routière. Elle reconnaît que les êtres humains sont enclins à commettre des erreurs et l’objectif est de créer un environnement routier qui pardonne ces erreurs. En d’autres termes, nous savons que des collisions se produisent mais, avec plusieurs systèmes sûrs en jeu, la gravité de la collision, y compris les blessures graves ou la mort, est réduite. Le contrôle de la circulation contribue directement à deux de ces piliers : le comportement sûr des usagers de la route et le respect des limitations de vitesse.

Quelle que soit la qualité de la conception des routes ou des véhicules, un comportement humain responsable au volant contribue principalement à leur efficacité. Un contrôle systématique rappelle constamment aux usagers de la route qu’ils doivent respecter le code de la route et les normes de comportement. Associée à de fréquentes campagnes d’éducation et de sensibilisation, une application visible de la loi encourage les conducteurs à faire des choix judicieux. Le fait de savoir que l’on risque de se faire prendre et d’être sanctionné a un effet dissuasif puissant sur les comportements imprudents. 

Lorsqu’on parle de sécurité des usagers de la route, on ne pense pas seulement aux conducteurs. Il faut également tenir compte des usagers vulnérables, tels que les piétons, les cyclistes et les motocyclistes. Les contrôles routiers rappellent aux conducteurs qu’ils doivent respecter les passages pour piétons, céder le passage aux piétons, laisser suffisamment d’espace aux cyclistes et être attentifs aux motocyclistes et leur laisser de l’espace. En l’absence de contrôles visibles, ces groupes vulnérables courent un plus grand risque. 

Les quatre piliers de l’approche des systèmes sûrs sont utilisés lorsque les agents patrouillent sur nos routes, répondent à des plaintes ou s’occupent du contrôle de la circulation. 

Quand l’excès de vitesse tourne à la manœuvre périlleuse

Souvent, le fait de dépasser la limite de vitesse autorisée constitue une contravention au Code de la route de l’Ontario, également connue sous le nom d’avis d’infraction provinciale. Il ne s’agit pas d’une infraction pénale. Les amendes pour excès de vitesse peuvent aller de 50 à 350 dollars environ, en plus des points d’inaptitude qui y sont associés. 

Un conducteur surpris en train de dépasser de 40 km/h la limite affichée dans une zone où la vitesse est inférieure à 80 km/h, voit son comportement qualifié de «  manoeuvre périlleuse » (Stunt Driving) au sens du Code de la route de l’Ontario. Cette infraction entraîne une suspension du permis de conduire de 30 jours et une mise en fourrière du véhicule de 14 jours.

Bien que ces sanctions soient lourdes, la police régionale de York a malheureusement constaté qu’elles n’étaient souvent pas assez dissuasives.  

En tant que commandant de l’unité d’enquête sur les collisions majeures, je constate toujours des blessures graves et des décès liés à la vitesse excessive, malgré nos efforts en matière d’éducation et de répression. Du côté de l’application de la loi, des contraventions pour conduite dangereuse ont récemment été délivrées pour des vitesses aussi stupéfiantes que 141 km/h dans une zone à 50 km/h, 146 dans une zone à 60 km/h et 198 dans une zone à 100 km/h. 

Il est clair que verbaliser les conducteurs pour conduite périlleuse ne suffit pas et que la sanction n’est pas non plus adaptée à des vitesses aussi excessives. Il était temps d’adapter notre culture de répression et de commencer à discuter sérieusement du moment où l’excès de vitesse devient à lui seul un délit de conduite dangereuse. 

Quand l’excès de vitesse devient une infraction criminelle

Le code pénal du Canada définit la conduite dangereuse comme une infraction dans laquelle les actions du conducteur représentent un « écart marqué » par rapport à la norme ; lorsque les actions d’une personne s’écartent de manière significative du comportement normal et attendu. Il s’agit d’un acte répréhensible qui va au-delà d’une simple négligence ou d’une infraction mineure à la loi.

Lorsqu’un excès de vitesse extrême est très éloigné de ce qu’une personne ordinaire et sensée ferait dans des circonstances similaires et que la vitesse présente un danger prévisible pour le public, le seuil d’inculpation pénale est atteint.

L’infraction de 141 km/h dans une zone à 50 km/h, par exemple, s’est produite dans une zone scolaire (limite de 30 km/h) dans un quartier résidentiel (40 km/h). Pire encore, elle s’est produite en plein milieu de la journée, à un moment où l’on peut s’attendre à ce que des enfants, des piétons et des cyclistes soient présents sur nos routes ou à proximité.

Le comportement de cette personne au volant est devenu criminel sur la base de ces différents éléments. Le conducteur représentait un danger pour la communauté, que la police a le devoir de protéger. À la police régionale de York, nous avons adapté notre culture d’application de la loi afin de mieux reconnaître ces cas comme des infractions criminelles. L’arrestation et l’inculpation en vertu du code pénal sont beaucoup plus graves, avec des conséquences plus sévères, que la délivrance d’une contravention, même si elle s’accompagne d’une suspension du permis de conduire et d’une mise en fourrière du véhicule.

L’excès de vitesse continue d’être un facteur important dans de nombreuses collisions de véhicules à moteur et constitue souvent un facteur aggravant dans celles qui sont graves et mortelles. Lorsque cela est justifié, la police régionale de York continuera de porter des accusations criminelles. Les conduites dangereuses ne seront pas tolérées dans nos communautés.

L’avenir de la sécurité routière

Tout en continuant à lutter contre les infractions qui mettent en danger tous les usagers de la route, nous nous tournons également vers l’avenir. Un autre changement important dans la culture de la sécurité routière se profile à l’horizon : la technologie de la conduite autonome. Il s’agit notamment de l’automatisation des véhicules, si avancée que les conducteurs n’auraient plus grand-chose à faire au volant, si ce n’est admirer le paysage. Il s’agit également de véhicules qui pourraient se passer totalement de la présence d’un être humain au volant.

Ce concept a suscité des réactions mitigées. Certains sont impatients d’adopter cette évolution, tandis que d’autres sont légèrement craintifs, estimant que la technologie n’en est encore qu’à ses balbutiements. Je peux vous assurer que tous les niveaux de gouvernement, ainsi que les services de police et les décideurs politiques à travers le Canada, surveillent de près cette industrie depuis 2016, lorsque les essais de véhicules autonomes ont été autorisés pour la première fois dans le cadre d’un programme pilote sur les routes de l’Ontario. 

Il peut arriver que l’autonomie d’un véhicule ou la technologie de conduite autonome commette une erreur, mais pas au même rythme que les humains au volant. Nous entrons dans une période où l’éducation du public sur ce sujet sera primordiale. La police régionale de York s’est préparée pour cette nouvelle évolution de la culture de la sécurité routière et elle continuera à le faire.

Toujours sur le plan technologique, les services de police ont récemment bénéficié de la résurgence du contrôle automatisé de la vitesse. En Ontario, ces dispositifs sont généralement situés dans des zones vulnérables telles que les zones de sécurité communautaire près des écoles. Associés aux caméras de surveillance des feux rouges, ces « multiplicateurs de force » assistent de manière significative les efforts conventionnels de contrôle de la circulation et fonctionnent 24 heures sur 24. J’invite toutes les municipalités, toutes les villes et tous les décideurs politiques à adopter cette évolution de la culture du contrôle. Elle sauvera des vies et s’inscrira dans le cadre de l’approche des systèmes sûrs.